QUAND LE BATIMENT VA, TOUT VA!!!

Le programme de construction de trente nouvelles prisons, présenté en novembre par Perben et Bedier, complète le plan 4 000 qui comprend six prisons (2 500 places supplémentaires) dont deux sont actuellement terminées (cf. encart Le Pontet). Aujourd’hui, il y a 48 000 places pour 54 000 prisonniers. Avec ce programme de 13 200 nouvelles places, la capacité d’enfermement serait portée à 60 000 d’ici 2007. Ce chiffre reste purement théorique car on sait très bien que la préoccupation de l’Etat n’est pas la surpopulation carcérale mais la possibilité d’enfermer et de contrôler toujours plus, selon les fluctuations cyniques de leurs jeux politiques. (Passage de 47 992 prisonniers en février 2001 à 54 950 en juillet 2002). L’encellulement individuel, prôné comme amélioration des conditions de détention a justifié la construction de nouvelles places. Cet argument est maintenant retourné sous couvert de préoccupations toutes aussi humanistes : le gouvernement vient de s’apercevoir qu’il y avait beaucoup de suicides en prison. Ainsi la cellule individuelle reprend son sens : elle sera une faveur ou une mesure disciplinaire. De même, le souci d’une meilleure « répartition géographique du parc pénitentiaire » pour favoriser les rapprochements familiaux est plus que douteux, les demandes actuelles ne sont pas accordées par manque de place mais selon le bon vouloir de l’administration pénitentiaire. Perben annonce également que 2 000 places seront réservées à « l’application de nouvelles conceptions de l’enfermement » qui dépendront des études de J. L Warsmann et R. Eladari. Warsmann, député des Ardennes, est chargé du « développement des peines alternatives » (bracelet électronique, centres de semi-liberté…) pour les courtes peines. L’alternative consiste à développer l’enfermement à l’extérieur des murs et non à désengorger les maisons d’arrêt, dont le nombre va d’ailleurs s’accroître de 17 d’ici 2007. La généralisation du bracelet électronique va permettre d’augmenter le nombre de personnes sous contrôle judiciaire et de mieux surveiller les personnes en conditionnelle. (Cf. article p. 9 « Le bracelet électronique »). R. Eladari, qui fut le responsable des projets pénitentiaire depuis quinze ans, est chargé pour sa part de proposer un nouveau type d’établissement pour les prisonniers dits psychiatriques. Ceux estimés les plus dangereux resteront dans les quatre « unités pour malades difficiles » ou dans les SMPR (services médico-psychologique régionaux) qui sont décrits par la revue du Dalloz elle-même comme insalubres, vétustes et rendues inefficaces par leur implantation dans les prisons. Les autres iront dans les dix nouvelles unités fermées dans des hôpitaux spécialisés (244 lits). Il y a pour l’instant peu de détails sur ces unités mais un des objectifs est de limiter les chances d’évasion dans les hôpitaux. Leur fonctionnement n’est pas encore déterminé mais la loi du 9 septembre 2002 affirme que « en tant que patient hospitalisé, le détenu se voit reconnaître les mêmes droits que tout autre patient » en précisant cependant : « immanquablement, la qualité de détenu ne peut et ne doit pas être ignorée lors de l’hospitalisation »… Eladari est aussi chargé d’étudier le développement des CPA (Centre pour Peine Aménagée) dont un est déjà ouvert à Marseille et deux vont être inaugurés en janvier 2003 à Metz et Villejuif. Ces centres sont destinés aux prisonniers dont le reliquat de peine est inférieur à un an. Les personnes y feraient des démarches de réinsertion la journée et seraient enfermées la nuit. Le CPA de Metz comprend trente places pour vingt-huit surveillants et une équipe de SPIP (Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation). La préoccupation majeure du programme est la sécurisation optimale des nouvelles prisons. Elles seront dotées de double enceinte, brouillage des portables, tunnel à rayons X, appareil de reconnaissance par biométrie… Perben annonce sans fioritures le retour des « quartiers de grande sécurité » jusque dans les maisons d’arrêt. Les deux centrales en prévision, de 150 places chacune (une à Alençon, l’autre n’est pas encore située), ont changé de définition : une centrale n’est plus une prison pour les longues peines mais « un établissement sécuritaire accueillant les détenus les plus dangereux ». Les dispositifs anti évasion vont être renforcés ainsi que la séparation entre les différents quartiers de détention pour éviter la propagation des mouvements collectifs. L’accès des forces de l’ordre dans la prison sera facilité. Dans le même sens, la loi du 9 septembre 2002 redéfinit les règles de répartition des condamnés. Jusqu’à présent, les personnes étaient enfermées en Maison d’Arrêt, Centre de Détention, Maison Centrale… selon la longueur de leurs peines. Maintenant, cette répartition se fera selon « le profil du condamné », « sur la base de critères liés à leur éventuelle dangerosité et à leur personnalité ».
L’objectif est d’isoler dans des prisons tombeaux les prisonniers qui ne se laissent pas complètement détruire par l’administration pénitentiaire pour éviter tout développement de la contestation.
Les échéances fixées pour ce programme de 13 200 places annoncent les premiers appels d’offre début 2003 et l’engagement de 50 % des autorisations de programme avant la fin 2003. Les directions départementales de l’équipement, avec l’aide d’entreprises privées, sous la houlette des préfets, ont commencé dès juillet 2002 à chercher des terrains adaptés (10 à 12 hectares, plats, carrés…). Pour l’instant, vingt parcelles (publiques ou privées) auraient été identifiées dont : Béziers, Mont de Marsan, Agen, Le Havre, Orléans, Rennes (anciens abattoirs), Valence, Rodez, Nancy (dans les anciennes carrières Solvay), les études de faisabilité seraient en cours.

Pour l’instant, peu de réactions se font entendre contre la construction de ces nouvelles prisons et les rares déclarations ne sont pas rassurantes. A Coudekerque-Village, un centre pénitentiaire de 400 places doit être construit d’ici 2007.
L’emplacement actuellement en discussion se situe dans un « croissant vert » qui entoure la ville de Dunkerque et les Verts se scandalisent car c’est une zone protégée. Qu’ils se rassurent, le gouvernement a prévu une « conception paysagère (…) pour favoriser l’insertion dans les sites, les enceintes devant être dissimulées par des écrans végétaux », les petits lapins ne seront donc pas traumatisés par le bloc de béton… Les déclarations du directeur de la clinique en face de laquelle se situerait la prison ne sont pas moins cyniques : « je ne conteste pas la nécessité d’une nouvelle prison » mais « quel est l’intérêt pour les détenus d’être dans un cadre verdoyant ? Derrière les murs, ils ne verront rien »…